Printemps 2013: l'époque des travaux extérieurs est arrivée. Débroussaillage, tonte, taille des branches éclatées par le gel, coupe de bois pour l'hiver... Bref on enfile les pulls, motivés, on sort la tronçonneuse de son hibernation, et on ouvre les fénêtres pour laisser le bon air printannier avaler toute l'humidité accumulée dans les pierres pendant l'hiver.
Nous sommes à Combest, charmant lieu-dit à un kilomètre et demi du col de Chemintrand sur la route qui mène d'Ambert à Viverols.
Je dis "on ouvre les fenêtres", cela paraît simple comme ça, mais il y a des fois où le destin en a décidé autrement... Les volets de la partie haute de la maison restent fermés pendant toute la période hivernale afin de conserver au mieux la chaleur dans la maison. J'avais bien remarqué depuis quelque temps le vrombissement des abeilles près de la maison, mais après tout il me semblait naturel qu'elles profitent des bienfaits des fleurs sauvages alentour, seulement....Je monte au premier étage, donc, dans la ferme intention de faire entrer le soleil. Il fait sombre dans la pièce, je ne remarque rien. J'ouvre un premier volet, une première fenêtre et je me dirige vers la seconde...Elles sont là, juste devant moi, mes petites abeilles, tout affairées à me construire une magnifique ruche sauvage entre la fenêtre et le volet !
Bien. Que faire?
Je fais le tour des apiculteurs locaux, toute contente de leur proposer une belle ruche toute neuve, connaissant les terribles hécatombes dont sont victimes nos pauvreas abeilles depuis plusieurs années.
Et bien contre attente, je ne trouve pas de candidat... Apparemment seulement une ruche sauvage sur dix survit quand on la transplante, alors les apiculteurs préfèrent attendre que la ruche ait au moins passé un hiver pour s'assurer de leur pérennité...
OK, je prends note. En fait elles ne me dérangent pas vraiment mes petites locataires. En dehors de la fenêtre condamnée, ce sont des hôtes très courtoises (elles ne s'inscrustent pas au dîner ni n'envahissent la maison), travailleuses et assidues. Alors je me dis pourquoi pas les garder et voir si elles passent l'hiver?
J'avoue même être assez fière, que ces petites bêtes en voie de disparition, et pourtant si importantes pour l'humanité, aient choisi ma maison comme refuge.
Alors voilà : au mois de juillet 2013, la ruche ressemblait à ça : (désolée pour la pauvre qualité de la photo, mais c'est tout ce que j'avais sous la main...)
A la fin du mois de septembre, après avoir travaillé d'arrache-pied pendant tout l'été, la ruche mangeait la moitié de la fenêtre.
C'est fou ce que l'on a appris pendant tout ce temps-là sur leur fonctionnement. Ce n'est pas tout le monde qui a la chance d'avoir une ruche "démo" dans sa maison !
Donc tout allait bien...
Et puis l'automne est arrivé et j'ai eu l'impression que la ruche se vidait...on voyait réapparaître peu à peu les alvéoles blanches, vides de toute ouvrière. Les craintes se sont confirmées au mois de novembre, on aurait dit une ruche fantôme...
Et pourtant il n'y avait pas de cadavre sur l'appui de la fenêtre.
Avec beaucoup de mal j'ai dû me résoudre à accepter qu'elles avaient probablement déserté pour un autre endroit... Triste histoire.
L'hiver s'est installé et nous ne sommes plus tellement monté au prremier.
Et puis février est arrivé, avec un soleil inattendu et réconfortant. Allez hop, retour au jardin ! Et voilà-t'y pas que j'entends vrombir au-dessus de moi. Ce n'est pas très vivace mais quand même, quelques abeilles auront manifestement suvécu et s'attellent déjà à réapprovisionner la ruche.
Je cours au premier voir ce qui se passe et ô surprise ! C'est comme si elles étaient toutes revenues: la ruche est de nouveau active comme un coeur amoureux et les alvéoles sont couvertes de milliers d'ouvrières.
C'est le soir que le mystère s'élucide. Je remonte observer mes précieuses pensionnaires et là, je les vois disparaître entre les alvéoles. En fait l'espace entre chaque disque de cire est très important, même s'il n'y paraît guère, et c'est-là qu'elles se réfugient l'hiver pour se protéger du froid!
Aujourd'hui 31 mars 2014, la ruche occupe les trois quarts de la fénêtre, les abeilles sont en pleine forme, et je suis très fière de contribuer à préserver une ruche sauvage. Voyez-donc :
7 mai 2014 : et bien il semblerait que tout ce petit monde soit prêt à essaimer !
En à peine un mois, notre amie la Reine des abeilles a sacrément bien travaillé ! La population de notre ruche sauvage a atteint son seuil maximum : il est temps d'essaimer. Et oui c'est ainsi que ça se passe : la reine en place pond, pond et re-pond au printemps, jusqu'à ce que la colonie avoisine les 40 000 individus... Une larve (je sais c'est pas beau comme nom, mais c'est comme ça k'on dit ;0)) est alors nourrie exclusivement de gélée royale et c'est ce changement d'alimetation qui va en faire une jeune reine. D'autres larve vont également changer de régime pour devenir des bourdons (pas des bourdons comme l'espèce, mais des abeilles mâles, que pour faciliter les choses on appelle des bourdons aussi !). Et un beau matin la vielle reine va partir avec la moitié de la ruche. Elle va former un essaim qui va s'installer momentanément dans un arbre (généralement), tandis que les éclaireuses se mettent en quête d'un endroit sympa. La jeune reine pendant ce temps, va être fécondée par les bourdons (qui ne vont pas faire long feu, puisqu'ils meurent une fois leur tâche accomplie...) et reprendre le flambeau de la reine exilée. Au printemps prochain, c'est la "jeune" reine de cette année qui deviendra la "vieille" reine et s'en ira coloniser ailleurs et ainsi de suite. C'est comme cela que la race des abeilles se perpétue.