La légende raconte qu’en pays Arverne, au beau milieu de la forêt vivait une jeune fille à demi sauvage. On l’appelait Maevel. De sa mère on ne savait pas grand-chose sinon qu’elle avait été bannie du village de ses pères lorsque l’enfant était née, car aucun homme n’avait daigné lui offrir son nom.
Vouée au plus grand dénuement, la pauvresse s’était éteinte, alors que l’enfant balbutiait ses premiers mots.
Le village, qui apprit la nouvelle des colporteurs en vadrouille, ne s’émut pas grandement. On laissa la petite aux bons soins d’Arduina, la déesse des forêts, et on l’oublia, comme on oublie un mauvais rêve.
Les années avaient passé et la petite avait grandi. Elle avait suivi les enseignements de la forêt : elle savait les baies qui nourrissent et les plantes qui guérissent. Elle connaissait les chevreuils et ne craignait pas les loups. Un jour qu’elle partait à la récolte des châtaignes sauvages, elle entendit une meute de chiens qui s’approchait à vive allure. Elle savait que lorsque les feuilles tombent et que la forêt devient claire, les chasseurs viennent. Ils violent la quiétude et tuent. C’est pourquoi elle avait construit son abri au milieu de la forêt de sapin : les résineux ne se dépouillent pas à l’automne, et la pénombre qui y règne, fait fuir les hommes.
Seulement elle s’en trouvait fort éloignée ce jour-là… Elle commença à courir mais rien ne semblait éloigner ces hurlements. Elle entendait à présent les sabots des chevaux : ils étaient là, tout près.
« Hey ! » héla un homme « arrête-toi ! ». Bien sûr Maevel n’avait aucune intention d’arrêter sa course, mais elle sentit bientôt une entrave s’emmêler autour de ses jambes et elle tomba à terre.
L’homme s’approcha. Lorsqu’il fut à portée de son regard il éclata d’un rire méprisant et cruel et dit à son compagnon « bien vilaine prise ! Sa petite figure sombre ne m’inspire pas confiance. Laisse-là aux chiens ! ». Le jeune homme tenait la meute à portée de corde. Les chiens avaient été affamés pour être plus efficaces à la chasse. Il hésita un instant mais on ne lui avait pas appris la désobéissance. Il lâcha les chiens et ils repartirent.
Maevel gisait là. Les chiens ne l’avaient pas tué, mais l’un deux lui avait dévoré la joue. A demi-consciente, elle crût distinguer une silhouette devant elle. Une main douce et blanche lui caressait le visage, engourdissant la douleur.
« Qui es-tu ? » Demanda Maevel.
« L’on me nomme Arduina, Déesse des forêts et de ses habitants. »
« Pourquoi suis-je en vie ? »
« Parce que j’ai besoin de toi pour rétablir l’harmonie. Je vais te faire gardienne de cette forêt que tu connais si bien, toi qui as vécu ici durant de longues années. Il faut empêcher la folie des hommes et les massacres qu’ils commettent par orgueil ou par peur. »
« Mais comment ? »
«Regarde. »
Maevel se releva et aperçut autour d’elle de majestueuses fleurs d’un blanc pur qui embaumaient l’air d’un parfum délicat.
« Ce sont des lis. Ils apportent la pureté et la lumière. Tu en cueilleras sept et tu y ajouteras sept fleurs de soucis. Avec le tout, tu feras un onguent qui soignera ton visage et gardera ta peau blanche. La beauté du lis deviendra ta beauté et tu exerceras ton pouvoir sur les hommes. L’harmonie est multiple de sept. Sept est le tout et la perfection. Il faut sept cycles pour rétablir l’équilibre. Je vais donc te donner sept vies, pendant lesquelles tu devras charmer les hommes et les garder de leur folie meurtrière. Tu ne dois les laisser sacrifier les habitants de la forêt que pour les besoins de leur survie, non pour assouvir leur vanité. »
Sur ces mots, Arduina disparut.
On dit encore aujourd’hui qu’il ne faut pas aller chasser dans la forêt de Ligune. Que tout homme qui s’y aventure s’y perd et ne retrouve plus son chemin. Qui sait, peut-être tombe-t-il dans les filets d’une ensorceleuse, nommée Maevel qui aurait finalement appliqué des principes plus drastiques que les recommandations qu’elle avait reçues ?