L’enfant volé 6
A quoi bon cette chienne de vie de misère
C’est à croire que le diable mène le monde
Voilà plus d’un an que le père a embarqué
Un an de malheur le petit Henri est né
Aucune nouvelle non plus de son maudit père
Ni de Gaspard qui ne revient pas de guerre
Tant d’espérances vaines au long des semaines
Des yeux de cendre et un cœur découragé
La pauvre n’avait pas fait le tour du malheur
Un jour d’inattention l’enfant fut enlevé
Anne-Marie n’en pouvait plus sans mot et sans pleurs
Mais un appétit de vengeance l’enfiévrait
Gaspard arriva au pays dans le crépuscule
Toujours cette face claire ferme aux os larges
Un tremblement agita sa joue aux nouvelles
Du mariage de cette naissance et du rapt
Bien sûr qu’elle pouvait compter sur lui pour toujours
Il n’avait qu’un désir empoigner la gorge
De ce mirliflore sournois cruel et lâche
Lui enfoncer au cœur un coup de son sabre
Tant de douceur que ses mains sur les épaules
Comme la fraîcheur d’eaux vives d’une fontaine
Tant de colère qui afflue dans la poitrine
Qu’y-a-t’il à comprendre du malheur d’aimer.