Et le soc d’une étoile nous ouvre le chemin
René-Guy Cadou
Rien ne se crée, tout se transforme…Ainsi ces chiffons de coton que l’industrieuse main de l’homme a su, grâce aux torrentueuses eaux domestiquées des montagnes, transformer en ces pages de neige veloutées sur lesquelles Henri Pourrat a laissé les traces de son histoire aux cent histoires. C’était un collecteur de légendes et un collectionneur de contes dont il a rassemblé le trésor, amassé dans sa besace. Il allait par les chemins et aux portes des maisons de hameaux reculés, demandant qu’on lui raconte…
Et les vieilles et les vieux racontaient, avec leurs pauvres mots, des mots de tous les jours, dans cette langue de saveur de sève qui dit un antique gai savoir. De ces contes de vie, faits de tristesse et de joie, porteurs d’une sagesse éternelle, son talent a su faire, grâce à son personnage Gaspard, un roman épique d’une dimension égale à l’œuvre de Miguel de Cervantès ou de Charles de Coster.
Gaspard est ainsi devenu un héros mythique à l’égal de Don Quichotte ou de Till d’Ulenspiegel ; les contes, les légendes, les mythes font mémoire de ce qui a été, est et sera et transmettent, dans un hors-temps et un hors-espace, un message à déchiffrer, en offrant , dans le présent un passé à venir.
A mon tour, m’inscrivant dans cette longue chaîne d’union qui nous vient du passé et tend vers l’avenir, j’ai puisé dans cette malle aux trésors pour transmettre, transmutant ces histoires dans l’alambic des songes, distillant sensations, images et émotions, jusqu’à retrouver une saveur originelle ; j’ai tenté de leur rendre fraîcheur et vivacité, car être fidèle à la tradition, c’est tenter de retrouver la source plutôt que l’estuaire, c’est redonner souffle à la flamme plutôt que conserver les cendres.
Tous ceux qui m’ont précédé, tous ceux qui me succéderont parlent, à ma place, à travers ces mots, irisés comme les pierres améthystes de ces montagnes, que je donne en partage à ceux qui les liront, car ils y parlent aussi ; du moins, je l’espère et j’entends, moi, leur écho.
Loin de la rumeur des villes, marchez avec moi vers ces hauts-plateaux d’herbe rase où s’élance la gentiane jaune et rampe la bruyère mauve ; il y souffle un vent qui a le goût d’une farouche, irréductible, rebelle liberté.
Mon sang bouillonnant charrie l’eau, la terre, le feu, l’air de ces montagnes, vertes, bleues, mauves et noires, mais, à défaut d’écrire avec le sang, c’est avec la sève des arbres que j’ai tenté de dire l’amour, l’amitié, la vie, la mort, la beauté et le tragique du monde, la générosité des élans du cœur, ces sensations et sentiments nés de l’humus du passé qui montent comme la sève de l’espérance d’un premier matin.
JV